Crise économique : bientôt le grand krach ? (dernière partie 3 sur 3)

Les origines de la crise économique que nous nous apprêtons à affronter sont donc bien antérieures à la guerre en Ukraine. Voyons comment ont évolué les indicateurs économiques.

Plusieurs débâcles se sont déroulées sous nos yeux, sans que le grand public soit particulièrement informé de la dégradation de la situation : le bonheur d’en finir avec le Covid, la non-campagne électorale, l’ostracisation d’Éric Zemmour, l’agression russe en Ukraine… Qui sait ? Et pourquoi pas une certaine nonchalance intellectuelle des Français vis-à-vis de l’économie en général ? Toujours est-il que les indicateurs s’affolent depuis novembre 2021.

Il y eut d’abord les craquelures boursières

Entre le 4 janvier 2022 et le 27 mai, le Dow Jones — l’indice incontournable des cotations à New York — et le Standard & Poor’s 500 glissent respectivement de 10 % et 13 % pour revenir à leurs cours d’il y a 15 mois. Pendant de ce temps, le CAC 40 plonge à Paris de 12 % entre le 5 janvier et le 27 mai 2022, avec un taux plus bas de 20 % le 8 mars. Certains prévisionnistes anticipent une baisse du CAC 40 de plus de 25 % d’ici fin juin 2022.

Cependant le pire n’est pas certain : la dernière semaine de mai fut excellente pour toutes les places boursières. Pour combien de temps encore avant un krach généralisé ? Personne ne le sait, mais tout le monde prend ses précautions et certains spéculent : le cours des actions prendra la forme de montagnes… russes !

Puis, ce furent les craquements monétaires à bas bruit

L’euro face au dollar a déjà perdu 10 % de sa valeur (-13 % depuis fin juin 2021). En l’espace de trois mois, l’euro perd aussi la moitié de sa valeur face au rouble : les sanctions ne servent pas à grand-chose. Les importations nous coûteront plus cher, ce qui alimentera encore l’inflation.

Quant à la Chine, l’arme du taux de change Dollar/Yuan a été réactivée depuis plusieurs trimestres ; en effet, l’économie chinoise replonge sous l’effet de la crise Covid non maîtrisée. Cela aura deux conséquences : l’inflation mondiale alimentera pour longtemps les tensions de livraison en provenance de la Chine ; et comme les Chinois ont décidé de ne plus rester l’usine du monde, ils vont monter fortement en gamme d’ici 20 ans ; ce qui aura une incidence sur les produits européens considérés aujourd’hui comme à plus forte valeur ajoutée. Cela va challenger à son tour l’économie mondiale, notamment européenne.

Inévitablement, des premiers craquelages du mythe européen se produisirent

Le cauchemar macronien vient juste de commencer. En l’espace de trois mois, les États-Unis ont mis l’Europe à genoux, sans beaucoup d’efforts d’ailleurs, que ce soit sur le plan sécuritaire avec le renforcement de l’OTAN, que Macron disait mort cérébralement en novembre 2021 — quelle perspicacité ! —, ou sur le plan énergétique avec la fourniture de gaz et pétrole essentiellement américano-arabo-persique, quand ce n’est pas du pétrole ou du gaz de roche-mère ; et bien entendu, sur le plan industriel en raison des exigences mercantiles du complexe militaro-industriel américain. Cela nous coûtera la vente de 36 Rafales à l’Allemagne et quelques autres broutilles industrielles.

Avec la procrastination de l’embargo progressif sur le pétrole russe et la fissuration lente, mais inéluctable, de la fausse belle unité européenne, le bilan de l’échec d’une « Europe Souveraine » est impressionnant : les désaccords avec la Hongrie, l’égoïsme allemand et hollandais sur leurs sources d’énergie, la pusillanimité italienne sur la crise, le « va-t-en-guerre » franchouillard d’Emmanuel Macron, font travailler la poutre de la discorde.

Alors arriva le krach des valeurs du numérique

La bulle du numérique liée à la pandémie a enfin éclaté : entre le 5 novembre 2021 et fin mai 2022, le Nasdaq — le plus grand marché des valeurs technologiques du monde — chute lourdement de 27 %. Et pour cause : en moins de 7 mois, le cours d’Apple est revenu à celui d’octobre 2021 et chute de 20 % (malgré un plus haut historique atteint le 3 janvier 2022) ; celui de Google (Alphabet) tombe de près de 25 % depuis début novembre (un cours là aussi historique) ; celui d’Amazon dégringole de 35 %, alors que le cours avait doublé pendant la pandémie ; celui de Facebook (Meta) s’effondre de 42 % pour revenir à son cours d’avril 2020 ; celui de Netflix s’écroule à son tour de 70 % pour revenir à son niveau de 2017. Et pour finir ce tableau de chasse des valeurs du numérique, le célèbre Zoom, cher à nos cœurs pendant la crise sanitaire, ne vaut plus qu’un cinquième de son cours historique d’octobre 2020.

La fin de la crise sanitaire est bien inscrite dans les cours de valeurs de croissance depuis au moins six mois.

Et enfin, ce fut le super-krach des cryptomonnaies

Considérées comme une valeur refuge par les spécialistes — aujourd’hui, cela fait rire tout le monde —, les cryptomonnaies s’effondrent en moyenne de 60 % depuis novembre 2021 : les aventuriers des cryptomonnaies nous affirment dorénavant, avec leur habituel aplomb insubmersible, que cela était parfaitement prévisible. Deux exemples : le cours du Bitcoin est divisé par deux, et quant à Ethereum, la valeur du cours est massacrée de 58 %.

Au regard de l’historique récent de ces cinq krachs, qu’on ne vienne plus nous dire que tout allait bien jusqu’à l’invasion de la Russie en Ukraine ; même si François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, justifiait à l’envi, encore le 23 mai sur France Info, les conséquences des sanctions prises contre la Russie : « Nous savions que cela signifierait moins de croissance, plus d’inflation, mais d’une certaine façon, c’est le prix à payer pour défendre nos valeurs, pour défendre l’Ukraine et sa liberté. »

Sur le plan géopolitique, la situation est claire ; le monde se divise dorénavant en deux blocs : les Occidentaux et face à eux, tous les autres pays. Ces derniers ne sont ni stupéfaits ni heureux de cet état de fait ; pas d’idéologie : ils cherchent avant tout à protéger leurs intérêts. Les Chinois, les Indiens, et tous les autres, constatent qu’avec la guerre en Ukraine, l’Europe — et singulièrement la France — s’est muée en nain géostratégique ; la diplomatie française — pourtant cheffe du Conseil des ministres de l’Union européenne jusqu’au 1er juillet — s’est montrée totalement dépassée par les situations tant monétaires que stratégiques. Les gesticulations du président Macron et son roman-photo des années cinquante — type « Nous deux » — n’y feront rien : nous sommes considérés à juste titre comme des amateurs par le monde des professionnels, Américains, Chinois et Russes en tête.

On peut vraiment se dire qu’en trois mois — et sans combattre —, l’Europe fut vaincue par son « pire ami » : les États-Unis !

Yves Gautrey

Article paru dans Front Populaire le 3 Juin.

2 réflexions sur “Crise économique : bientôt le grand krach ? (dernière partie 3 sur 3)

    1. La Chine fait d’une pierre deux coups: monter les prix internationaux (c à d des marges supplémentaires) et les coûts européens (c’est à dire moins de compétitivité ici). Leur montée en gamme va donc pouvoir se faire plus facilement…

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